Comment une drogue m’a sauvé la vie

Adolescent, j’étais mal dans ma peau, comme c’est souvent le cas pour un jeune sur le chemin ardu vers l’âge adulte. On se prend des claques plus qu’à son tour. J’avais beau être entouré de nombreux amis, j’étais néanmoins tout seul avec mes questionnements. Jusqu’à ce que je tombe tellement bas que j’étais prêt à quitter la vie. J’ai même tenté le coup.

C’est à ce moment-là que c’est arrivé. Un ami m’a donné des champignons hallucinogènes qu’il avait cueillis dans un pré : bio, local et de saison. Le ciel s’est ouvert, et tout était baigné d’une lumière qui éclairait jusqu’à mes plus sombres recoins. Le monde vibrait et resplendissait. Et j’arrivais à rire, ma parole ! Pas à cause de toutes ces merveilles et ce plaisir, mais rire de moi-même. De ma souffrance et de ma tristesse, de ma confusion et de mes tâtonnements. Une perspective radicalement nouvelle me libéra de mes boucles de pensées destructrices. J’étais à nouveau en mesure de relativiser. Je rayonnais. Ce n’est pas que je n’ai plus eu aucune difficulté par la suite, mais quelque chose avait changé pour de bon. Une partie de la lumière de cette journée a continuer à resplendir en moi. Elle est toujours là aujourd’hui.

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Photo par Angela Loria

Les drogues entraînent des souffrances indicibles dans le monde. Il est noble que la société lutte contre ce fléau, et elle le fait souvent avec beaucoup de courage et de volonté. Mais j’aimerais voir aussi une autre forme de courage. Le courage d’oser poser des questions difficiles. Car quelle est la meilleure façon de mener cette lutte ? Un thème aussi complexe que celui des drogues exige de la nuance, et trop souvent je ne vois que du noir ou du blanc. Les drogues sont dangereuses et addictives. C’est à la fois vrai et pas vrai. Parce que des drogues, il y en a beaucoup. On dit parfois qu’avec une session bien encadrée avec un psychédélique, on fait plus de progrès qu’en plusieurs année de thérapie. Mon expérience le confirme. De centres de recherche du monde entier découvrent chaque jour un peu plus ce potentiel. Pourtant, dans un pays où la consommation d’antidépresseurs frise les sommets, et qui s’enorgueillit en outre de son économie du savoir, la recherche dans ce domaine reste encore tabou.

Les nuances qui manquent dans la politique drogues, je les vois par contre autour de moi. L’époque où les gens se laissaient effrayer par les stéréotypes au sujet des drogues est révolue. Je vois de plus en plus d’ouverture et de lucidité. Et aussi plus de désir de découverte. Malheureusement, ça se passe alors dans l’illégalité, sans les connaissances nécessaires ni l’encadrement adéquat, et avec des produits dont la qualité ne peut pas être vérifiée. A mon sens, c’est là que se trouve la source de toutes ces souffrances. Car une politique loin des réalités, sans nuance ni clairvoyance, reste également loin des gens. Ceux-ci tracent alors leur propre route, ce qui les fait déraper plus facilement ici ou là.

Où est-il donc, ce courage de regarder l’ensemble du tableau sans préjugés, et d’oser évaluer la façon dont notre société fait face à la question des drogues ? Ce que nous faisons bien, et ce que nous pourrions faire mieux ? Et surtout : où est le courage de s’écouter vraiment les uns les autres ? Où est le respect pour un point de vue différent ou un choix divergent ? Pourquoi donc cette crainte d’un débat ouvert ? De la controverse, il y en a, en effet. Du courage politique ? Il en faudra. Mais n’est-ce pas de cela qu’il s’agit dans la vie (politque) : s’arrêter de temps en temps et regarder en arrière, chercher les erreurs commises et en tirer des enseignements ? Pourquoi persistons-nous à nous cacher derrière des conventions réconfortantes, alors qu’il en résulte chaque jour tant de souffrances ? Oui, c’est vrai, les divergences seront fortes. Et oui, de nouvelles erreurs seront sans doute commises. Mais voyez aussi combien il y a de possibilités, d’opportunités. Car les drogues ne sont pas seulement un problème, elles sont aussi en partie une solution. Les opportunités sont là. A nous de les saisir, à nous d’oser.

F. M., résidant à M.

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