En 2021, nous commémorons les 100 ans de la loi drogues en Belgique. Ce n’est en aucun cas la joyeuse célébration habituellement réservée aux centenaires. Dès l’origine, la loi drogues belge est truffée de postulats erronés au sujet des drogues, et de préjugés moralisateurs, discriminatoires et inacceptables, qui ont pour but de réprimer des usages socialement déviants. Depuis 1921, la législation sur les drogues entraîne dans la vie des gens des conséquences désastreuses, bien plus graves que celles de la consommation même d’une drogue illégale.
Les cent ans de la loi drogues nous rappellent également un siècle d’incapacité politique à régler une question relativement simple, la consommation de drogues, d’une manière adulte et humaine. Les innombrables vies brisées par cette misérable législation laissent un goût amer dans la société belge. Les consommateurs de cannabis et d’autres drogues illégales, du moins ceux qui ne font pas partie de la classe supérieure, sont encore et toujours discriminés et criminalisés pour des faits qui ne nuisent à personne d’autre qu’eux-mêmes. De plus, des études scientifiques rigoureuses ont démontré à plusieurs reprises que la légalité de certaines drogues ne signifie pas qu’elles seraient moins nocives que leurs cousines illégales. Bien au contraire, l’alcool et le tabac sont bien plus nocifs que le cannabis. Mais aucun politicien ne voit dans l’absurde distorsion entraînée par la loi drogues une raison suffisante pour enfin redresser cette injustice. La peur de ternir sa réputation auprès de l’électorat pèse plus lourd que le devoir politique de créer une société plus juste.
Si la torture de la la législation drogues a pu durer un siècle, et sans doute au-delà, c’est sans aucun doute lié à la couverture médiatique médiocre au cours de cette période. Même s’ils ont pour tâche d’étudier à fond les sujets dont ils rendent compte, rares sont les journalistes qui se sont plongés dans la littérature scientifique avant d’écrire leurs articles. Souvent, ils sont encore d’avis que l’alcool n’est pas une drogue, et ils minimisent les conséquences néfastes de la consommation d’alcool d’une manière peu intelligente. La malinformation lamentable qui atteint l’opinion publique par le biais des médias ne fait pas progresser le débat au sujet des drogues. De plus, elle fait en sorte que les politiques, tous partis confondus, peuvent rester confortablement installés dans leur fauteuil de velours car on ne leur demande jamais de comptes au sujet de leur échec politique en matière de drogues, dont le coût social est astronomique.
De plus, les décisions politiques ont fait en sorte que de nombreux patients ne sont pas en mesure et n’ont pas le droit d’utiliser le cannabis de manière thérapeutique. Pourtant, le large groupe de patients atteints de douleurs chroniques pourrait tirer un bénéfice immense du cannabis. Sur le plan international, l’usage au sein de cette catégorie de patients a augmenté de manière exponentielle ces dernières années, et les résultats sont excellents. Et pour les moralistes : la plupart des personnes qui font partie de ce très large groupe ont déjà atteint le troisième âge et ne sont pas à la recherche, Dieu merci, d’une quelconque ivresse. Les patients souffrant de douleurs ne sont qu’une catégorie, certes importante, parmi d’autres patients qui pourraient bénéficier de l’usage de cannabis. Il y a également les personnes atteintes de sclérose en plaques, les personnes prises de nausées et de vomissements suite à une chimiothérapie, les personnes épileptiques, anxieuses, et j’en passe.
En d’autres termes, l’anniversaire de la législation drogues n’est pas une célébration. Elle nous rappelle au contraire la nécessité de rester critiques envers la politique drogues et d’enfin la modifier en profondeur. Nous avons attendu assez longtemps !